Blogue

AccueilAgro-infoLes appellations réservées territoriales : comment les reconnaître ?

Les appellations réservées territoriales : comment les reconnaître ?

Rémy Lambert, PhD, et Fabien Jouve, professionnel de recherche Université Laval

Dans deux articles précédents[1], nous avons présenté les appellations réservées et les marques de commerce d’une façon générale, et expliqué les différences d’approche entre démarche collective et individuelle. Nous développerons dans cet article les trois principaux aspects à avoir à l’esprit concernant les appellations territoriales au moment de faire le choix stratégique de privilégier cette approche[2].

La reconnaissance officielle des appellations territoriales[3] est possible depuis l’adoption de la Loi sur les appellations réservées en 1996 puis le règlement correspondant l’année suivante. Il s’agit de signes (ou labels) officiels d’authenticité qui tirent leur origine des pays d’Europe latine où il est courant d’associer des noms de lieux à des produits de spécialité ayant acquis une forte réputation. Les consommateurs, en achetant ces produits à forte valeur ajoutée, reconnaissent ces dénominations et confèrent au système des appellations une crédibilité justifiant le coût de leur contrôle. Les consommateurs d’ici semblent prêter une attention grandissante à l’origine de ces produits que l’on retrouve sur les étalages. On remarque aussi au Québec plusieurs produits utilisant des noms géographiques qui permettent aux consommateurs de les reconnaître. C’est le cas du maïs sucré de Neuville, de l’agneau de Charlevoix et des fraises de l’Île d’Orléans dans la région de la Capitale-Nationale. Cette association, qui s’exprime dans le nom d’usage entre un produit réputé sur le marché et un territoire -municipal, régional ou autre- est l’étape initiale pour se voir reconnaître la protection d’une appellation territoriale.

L’étape suivante est de définir le produit dans les aspects qui le rendent si particulier au territoire. Cette définition est transcrite dans un cahier des charges décrivant les étapes-clés d’élaboration du produit. Le cahier des charges comprend aussi la définition de la zone géographique d’élaboration. Certaines étapes d’élaboration du produit dans cette zone doivent être justifiées par des attributs agro-climatiques, des matières premières ou encore des savoir-faire locaux. Comme lors de toute démarche collective, ce cahier des charges, qui doit être déposé au Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV) du Québec, suppose l’atteinte d’un consensus impliquant les parties prenantes au projet. À la fin de cette étape, l’enregistrement officiel du nom à titre d’appellation réservée signifie qu’une convention de qualité est établie entre les entreprises responsables de l’élaboration du produit et les consommateurs.

Enfin, le dernier aspect à considérer est le fait que la démarche vers une appellation doit être vue comme l’élaboration d’un outil de développement stratégique d’une filière impliquant un territoire donné. Par ce fait, la démarche d’appellation s’intègre nécessairement dans une vision de planification ayant pour but de répondre à des préoccupations ciblées par le milieu. Aussi, la démarche doit être cohérente à une stratégie collective, en évitant qu’elle ne devienne une démarche individuelle. En ayant défini cette vision et les défis à relever au moment d’investir dans la démarche collective, cela permet d’en tirer tout le potentiel de développement possible. Les justifications concrètes au démarrage d’un tel projet diffèrent d’une situation à l’autre, mais elles répondent généralement à une situation identifiée comme problématique. Par exemple, il peut s’agir de bannir l’imitation d’un produit réputé par son nom, de codifier l’élaboration d’un produit afin d’éviter sa banalisation, ou encore de mieux identifier un produit sur le marché.

[1]Lambert, Rémy et Fabien Jouve. Appellations réservées, termes valorisants et marques de certification : Comment s’y retrouver ? et Les appellations réservées, termes valorisants et marques de certification : Choix collectif ou individuel ?, Croquez l’Outaouais ! le Magazine.

[2] Dans le prochain article, nous développerons ensuite les différences à noter entre Appellations d’origine (AO) et Indication géographique protégée (IGP).

[3] Appelées aussi Appellations en lien avec un terroir.